La liberté de modération des contenus par les réseaux sociaux en débat à la Cour suprême américaine


Matt Schruers (à droite), le président de la Computer & Communications Industry Association (CCIA), l’un des principaux lobbys des entreprises du numérique, devant la Cour surprême américaine, à Washington, le 26 février 2024.

La loi américaine peut-elle imposer aux réseaux sociaux de ne pas modérer certains contenus et utilisateurs ? C’est, en substance, la question posée aux neuf juges de la Cour suprême, à majorité conservatrice, qui examine depuis le lundi 26 février des recours contre deux lois adoptées au Texas et en Floride.

Les deux Etats conservateurs ont voté, en 2021, des textes limitant la marge d’action des réseaux sociaux en matière de modération : en Floride, la loi prohibe toute intervention des grands réseaux sociaux sur les publications de candidats politiques ou d’« entreprises journalistiques » ; la loi texane, elle, interdit aux grandes plates-formes de bannir un utilisateur ou de modérer ses messages en raison de leur « point de vue ».

Les deux textes ont été adoptés après le bannissement de Donald Trump des grands réseaux sociaux et promus par les élus républicains des deux Etats comme une riposte à ce qu’ils perçoivent comme un acharnement des grandes plates-formes contre les discours conservateurs. Les deux lois leur imposent de fournir une « explication individualisée » à l’utilisateur lorsqu’ils retirent l’une de ses publications.

Ces textes sont vivement contestés par NetChoice, l’association représentant les entreprises d’Internet, et la CCIA (Computer & Communications Industry Association), le lobby des géants de la tech. Tous deux ont introduit de multiples recours contre ces lois. Ils estiment que ces dernières violent le premier amendement de la Constitution américaine, qui garantit le droit à la liberté d’expression – et limite donc drastiquement les interventions des pouvoirs publics en matière de publication, mais aussi de modération.

Jurisprudence très favorable à la liberté d’expression… et de modération

Historiquement, la Cour suprême a toujours interprété le premier amendement de manière large, dans un sens favorable à la plus grande liberté d’expression possible. Y compris, comme aujourd’hui, lorsqu’elle est composée d’une majorité de juges conservateurs. Les auditions de lundi ont semblé aller majoritairement dans le sens des avocats des réseaux sociaux.

« Le premier amendement s’applique non pas aux réseaux sociaux mais à ce que les autorités peuvent faire », a objecté le président de la Cour, le conservateur John Roberts, au conseiller juridique du Texas, Aaron Nielson. « Les lois comme celles-ci, qui sont tellement larges qu’elles étouffent d’emblée l’expression, me posent un problème », a lancé la juge progressiste Sonia Sotomayor.

Mais le dossier est, dans le détail, plus complexe que la seule question de principe du droit des entreprises à modérer les contenus comme elles le souhaitent. Les grandes plates-formes demandent l’annulation pure et simple des deux lois, une procédure relativement complexe en droit américain. La plupart des juges, indépendamment de leur orientation politique, ont paru réticents à retirer entièrement des textes dont le champ d’application reste incertain, faute d’être entrés en vigueur. Une décision de la Cour suprême ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois, au plus tôt en juin prochain.

Le Monde avec AFP

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